Musicien fascinant dont le dévouement envers les orgues – de préférence anciens – a illuminé tout le parcours, Francis Chapelet (né en 1934) nous fait partager ici 90 ans de souvenirs.
Regroupant des textes écrits à des époques différentes – et dont certains, publiés par ailleurs, étaient désormais introuvables -, ces mémoires nous parlent avec enthousiasme, passion, voire humour, d’un monde musical haut en couleur et terriblement attachant. Une tranche de vie sans filtre et sans concession, coulée dans une langue aussi poétique que parfaitement rythmée, véritable cadeau que nous offre un artiste qui reste une référence absolue et auquel la revue Orgues Nouvelles est fière de pouvoir s’associer.
Depuis le début des années 60, Francis Chapelet occupe une place privilégiée dans le paysage organistique. Il fait partie de cette génération de pionniers, redécouvreurs d’un art perdu en matière d’orgues historiques. Ce livre regroupe divers textes écrits au cours de sa longue carrière de musicien, mais aussi d’amoureux de la nature, partageant sa passion pour les voyages lointains, les bateaux et les volcan.
En 2024, Francis Chapelet a fêté ses 90 ans et divers évènements ont marqué cet anniversaire dont l’un à l’orgue de l’église Saint-Séverin à Paris où il fut titulaire durant plusieurs décennies. C’est une belle idée de réunir ici des souvenirs intenses remontant à l’enfance. Le livre s’ouvre avec un premier chapitre consacré à ses premières années de trois à dix-huit ans. Sa petite enfance se passe à Montpon dans sa Dordogne natale auprès d’un père peintre et d’une mère modiste et dramaturge à ses heures. Quelques années plus tard, c’est le départ pour l’Algérie et Mers el-Kébir. Le livre est abondamment illustré de photos directement sorties de l’album de famille et de peintures de Roger Chapelet devenu peintre officiel de la Marine française.
La deuxième partie de l’ouvrage regroupe une série de textes intitulés « Chroniques en chamade ». Il s’agit de souvenirs d’Espagne (déjà publiés dans un livre précédent). Ce pays a toujours énormément compté pour Francis Chapelet, lui le jeune périgourdin qui avait des désirs de découvertes et d’aventure. Aussi piqua-t-il tout droit plein sud et après avoir franchi les Pyrénées se retrouva face à un pays où tout restait à explorer. Il se familiarise alors avec la langue et fait connaissance d’un pays, chargé d’ombres et de lumière. Il nous parle de ses premières émotions, de ces paysages à couper le souffle, ces villes et ces villages comme sortis de tableaux du Greco. Il nous décrit l’âme ibérique avec intuition et passion. Déjà attiré par l’orgue avant son départ en Espagne, c’est tout un monde féérique qui s’offre à lui malgré l’état souvent délabré de nombreuses tribunes. A partir de ce moment là, il n’aura de cesse de s’occuper de ces grands muets ne demandant qu’à revenir à la vie, souvent par manque d’air. Ce sont ici seize chapitres émaillés d’anecdotes en tous genres, mettant en scène des lieux, des personnages, des orgues et tant d’autres choses encore…
Après l’Espagne, mais aussi le Portugal, une autre partie de ces mémoires nous entraine en Amérique latine où d’autres aventures tout aussi croustillantes nous sont dévoilées dans un style attachant où l’humour occupe une place de choix. Ainsi Francis Chapelet nous emmène au Mexique, au Brésil, en Bolivie et au Pérou. Il peut également assouvir une autre passion qui est celle des volcans. La cordillère des Andes est pour lui une terre riche en la matière. D’autres régions du monde l’ont attiré pour les volcans, dont la Sicile et l’éruption de l’Etna en 1971, suite à laquelle il compose une pièce créée à l’orgue de Notre-Dame de Paris, évoquant les bruits et sifflements des soubresauts volcaniques.
La mer a beaucoup attiré Francis Chapelet préférant de longues traversées à la rapidité de l’avion. Ainsi nous parle-t-il des ses voyages dans divers océans. Il a la plume facile et inspirée pour décrire les ambiances, les sensations et les humeurs.
Ces mémoires ainsi rassemblées ici en un seul ouvrage permettent au lecteur de se plonger dans l’univers fantastique qui fut le sien. Au delà de ses passions, Francis Chapelet a marqué de son empreinte le renouveau de l’orgue espagnol, étant lui même un grand maitre de cet instrument, il est l’ambassadeur idéal pour ce monde particulier de l’Ibérie, par ses interprétations informées depuis le tout début. Il reste un pionnier, un défenseur, un découvreur et un ardent pilier de la renaissance de l’orgue ancien, aux côtés de ses amis Chapuis, Isoir, Saorgin, Darasse et Boyer.
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